On s’est intéressé assez tôt aux mesures de variabilité cardiaque. Issue de la médecine chinoise Wang Shu-He (265-317) décrit ainsi les pulsations cardiaques qu’il perçoit par palpation au niveau du poignet.
Beaucoup plus tard dans les années de guerre froide, les russes travaillent dans ce secteur pour préparer les grandes échéances sportives, mais ne divulguent pratiquement aucuns travaux.
Quoi qu’il en soit, la variabilité de la fréquence cardiaque (VFc) est un marqueur de l’activité du système nerveux autonome utilisé depuis maintenant quelques décennies dans de nombreux domaines d’applications (médecine, sport, psychologie).
Le professeur et éminent cardiologue François Carré la définit comme « la variabilité spontanée de la durée des intervalles R-R reflet de la réponse du nœud sinusal à la balance autonomique ».
Bref, si cela parait compliqué à la lecture, cette mesure s’est en fait fortement démocratisée dans le milieu du sport et notamment du Trail, à tel point que certains attendaient une version simplifiée de son application sur des montres qui proposeraient un GPS sophistiqué.
C’est chose faite avec l’application InCorpus (réalisée par d’éminents chercheurs, dont Laurent Schmitt le véritable précurseur de cette méthode).
Cette mesure permet surtout de pouvoir vérifier à l’entraînement, et éventuellement après les compétitions, si l’organisme « plonge » dans un processus physiologique de surcharge non fonctionnelle (le surentraînement pour parler simple…).
Cette mesure de Vfc appelée aussi HRv (Heart Rate Variability en anglais) est la variabilité du rythme cardiaque qui mesure l’intervalle entre deux battements (R-R).
Cette mesure est très intéressante car elle permet à la fois d’évaluer l’état de forme, de contrôler l’impact des charges de travail et d’apprécier l’état de la récupération (1).
Mais selon Laurent Schmitt on à tendance à réduire fortement le modèle de la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC-HRV) et même parfois à en construire une modélisation se transformant en dogme pour le suivi des athlètes.
Il donne l’exemple de l’analyse du RMSSD (qui veut dire Root Mean Square of the Successive Differences) et qui se traduit par la moyenne quadratique des différences successives de la fréquence cardiaque) qui pour lui est une interprétation rapide et s’approche plus de la VFC « pour les nuls ».
Durant un effort très long comme en trail, le corps nous donne plein d’indicateurs car l’homme est un système complexe. Si l’on rejoint sur ce point Joël de Rosnay sur son approche systémique il est nécessaire avant toute chose de comprendre la logique du système.
Être critique et prudent avec la recherche relève donc de la logique et du bon sens et on ne peut par exemple pas empêcher un athlète de courir sous prétexte qu’il possède un mauvais RMSSD (ou les écarts de temps entre les intervalles de battements cardiaques et les intervalles R-R).
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Selon Laurent Schmitt, c’est même une hérésie totale car on va au contraire enfermer l’athlète dans un rôle bien particulier sous prétexte d’une interprétation d’un indicateur (remis en cause par ailleurs).
Individualiser l’entraînement passe avant tout par une grande connaissance scientifique des données et par une prise de recul nécessaire de la complexité de l’homme.
Explication rapide de la VFC
Contrairement à ce que l’on peut penser, lorsque l’on s’entraîne, notre organe, dit noble, qu’est le cœur ne bat jamais à un rythme régulier. En fait, l’intervalle entre deux battements est soumis à des fluctuations permanentes (si les intervalles R-R étaient de 1 cela voudrait donc dire que notre mort serait proche…).
Pour résumer, la VFC correspond aux fluctuations de l’intervalle entre deux battements, entre les accélérations et les ralentissements.
En fait cette fréquence cardiaque est régulée en permanence par le système nerveux autonome, qui se compose de deux entités :
Le système nerveux orthosympathique qui a des effets « accélérateurs » ;
Le système nerveux parasympathique qui, lui, à plutôt des effets « freinateurs ».
Ces systèmes antagonistes modifient en permanence notre fréquence cardiaque en fonction des sollicitations sensorielles, qu’elles soient externes (bruits, lumière, chaleur, altitude, pollution, jet lag), ou internes (respiration, émotions, douleurs, infections, fièvre, sommeil).
Ainsi les facteurs de stress et l’activité physique influencent fortement l’activité sympathique et parasympathique et le système parasympathique nous protège du stress.
Pourquoi et comment mesurer la variabilité de la fréquence cardiaque ?
La mesure de la VFC, pour être efficace, doit être réalisée non seulement en position couchée, puis debout durant 5 minutes le matin au réveil. Or la position debout est très souvent oubliée par de nombreux athlètes et c’est une grossière erreur.
En effet de passer de la position en décubitus à la position debout va modifier fortement les ondes LF et HF, puisque les masses sanguines vont se modifier et que le corps s’éveille en quelque sorte pour faire un effort.
Cette mesure permet d’identifier lequel des deux systèmes a pris l’ascendant sur l’autre (en sachant qu’il y en a un qui freine et l’autre qui accélère). L’athlète dans les deux cas extrêmes est donc soit hyper-réactif, soit complètement épuisé.
Le mieux est bien sûr qu’il soit équilibré, c’est-à-dire que la charge d’entraînement puisse correspondre aux capacités physiques et psychologiques du moment.
Pour ne pas entrer dans des détails trop techniques, la mesure de la VFC doit permettre d’analyser des indicateurs de forme ou de méforme. Cette mesure peut être réalisée par certains modèles de montres.
Selon les périodes d’entraînement, il est possible de la mesurer à plus moins forte fréquence (1 à 3 mesures par semaine par exemple) mais tout dépend du projet de l’athlète entraîné et du contexte (voyage, stage, charge élevée).
Interprétations de la Vfc
Si on simplifie le modèle, une grande variabilité cardiaque est synonyme d’une bonne forme générale et donc d’un processus d’entraînement bien adapté à l’athlète. Par contre, une faible variabilité cardiaque est synonyme de fatigue et c’est ce qui change vraiment les représentations, même si la fréquence cardiaque de repos est basse.
Mais l’interprétation des fatigues sur un modèle spectral est beaucoup plus complexe, car il peut exister plusieurs sortes de fatigues.
Ainsi, et lorsque le système nerveux sympathique n’arrive plus à s’activer (notion de surentraînement ou de burn out), c’est le système nerveux parasympathique qui domine et qui impose le repos.
L’activité physique modérée avec quelques sessions de vitesse très courtes peuvent ainsi permettre de relancer l’activité du système nerveux sympathique.
À l’inverse, lorsque le système nerveux sympathique a pris l’ascendant, la récupération est insuffisante, ce qui implique de se reposer.
Il est à noter enfin que la fréquence respiratoire influence l’ensemble de la mesure car nous avons en fait deux synchroniseurs : la fréquence respiratoire (FR) et la tension artérielle (TA).
La position debout (en orthostatisme) n’est pas trop influencée par la respiration alors que la position couchée (décubitus) l’est beaucoup plus.
Si vous voulez vous tester, voici les préconisations :
- Ne pas faire de séance d’intensité les 2 jours précédents ;
- Le test doit être réalisé le matin à jeun après être allé aux toilettes ;
- Le faire en position couchée, puis debout (5 à 7 minutes pour une bonne réalisation).
Légende :
HF sont les hautes fréquences qui correspondent au système parasympathique.
LF sont les basses fréquences qui correspond prioritairement au système orthosympathique.
VLF sont les très basses fréquences.
Le système sympathique (bande LF) envoie au coeur des signaux de fréquences faibles.
Le système parasympathique (bande HF) envoie à ce dernier des signaux de fréquences élevées
Exemple d'une mesure et interprétations de la VFC de Christian (athlète de 53 ans qui pratique le running et le Trail).
On peut constater la mise en place de seuils d’alerte sur divers paramètres de fatigue du SNC (FC LF, et HF).
Ainsi les valeurs basses de fréquences élevées (onde HF) en mode debout attestent que le cœur est placée prioritairement en phase d'économie d’énergie. L'athlète est en bonne forme.
Pour résumer
La mesure de la VFC, pour être efficace, doit être réalisée une à deux fois par semaine minimum, et s’effectue en position couchée puis debout durant 5 minutes le matin au réveil.
Cette mesure permet en quelque sorte d’identifier lequel des deux systèmes a pris l’ascendant sur l’autre (en sachant qu’il y en a un qui freine et l’autre qui accélère).
L’athlète dans les deux cas extrêmes est donc soit hyper-réactif, soit complètement épuisé.
Le mieux est bien sûr qu’il soit équilibré, c’est-à-dire que la charge d’entraînement puisse correspondre aux capacités physiques et psychologiques du moment.
Une grande variabilité cardiaque est synonyme d’une bonne forme générale, et donc d’un processus d’entraînement bien adapté à l’athlète. Par contre, une faible variabilité cardiaque est synonyme de fatigue et c’est ce qui qui change vraiment les représentations, même si la fréquence cardiaque de repos est basse.
Lorsque le système nerveux sympathique n’arrive plus à s’activer (surentraînement ou burn out) : c’est le système nerveux parasympathique qui domine et qui impose le repos. L’activité physique modérée peut permettre de relancer l’activité du système nerveux sympathique.
À l’inverse, lorsque le système nerveux sympathique a pris l’ascendant, la récupération est insuffisante, ce qui implique de se reposer.
Toutes les interprétations de type de fatigue selon Laurent Schmitt
Que faire en cas de fatigue orto - ou parasympathique ?
Fatigue orthosympathique
Il faut changer de régime d’entraînement et stimuler l’énergie parasympathique qui a été abaissée.
Moyens utilisés : bains bouillonnants, massages calmants, et surtout : faire de l’entraînement à allure modérée, en aérobie, sans se fatiguer ni par l’intensité, ni par la durée de la séance.
Fatigue parasympathique
Il faut stimuler l’organisme, mais pas le fatiguer. Il faut faire remonter l’énergie orthosympathique et baisser l’énergie parasympathique.
Moyens utilisés : massages stimulants et entraînement en vitesse : temps d’effort courts (moins de 10 secondes) et temps de repos ou d’exercice léger long (3 minutes). C’est un travail dynamique qui permet alors de déclencher la récupération.
(1) Nous verrons aussi l'utilité dans un prochain article de cette mesure à l'effort, avec le DFA alpha 1, qui est une méthode d'estimation des seuils aérobies et anaérobies basée sur cette variabilité de la fréquence cardiaque. En effet, cette mesure, corrélée avec la fréquence cardiaque et le ressenti d'effort semble être une nouvelle piste de suivi d'entraînement pertinente et facile à mettre en oeuvre.
Références
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