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Photo du rédacteurEric Lacroix

Automédication, une pratique à risque pour vos reins


Bien souvent, lorsque la douleur se fait sentir sur une épreuve longue, notamment en Ultra-Trail, il est courant d’observer dans le peloton certaines personnes ayant recours à l’automédication, c’est-à-dire consommant certains médicaments sans l’avis d’un médecin ou d’un expert. Cette attitude semble dangereuse et c’est ainsi que certains chercheurs et entraîneurs souhaitent alerter et surtout informer les pratiquants des risques éventuels de ce comportement.


Ainsi et lors d’une course ayant précédé le Grand Raid, 31,60 % déclaraient avoir eu recours à des médicaments : antalgiques dans 50,50 % des cas et AINS* (Anti Inflammatoire Non Stéroïdien) dans 20,10 % des cas. L’automédication représentait 68,30 % de cette consommation médicamenteuse. Le motif invoqué de cette consommation était majoritairement la lutte contre la douleur, qui est pourtant inhérente à la pratique et qui mérite donc toute une approche lors de l’entraînement.


En effet, le rein est très sollicité durant une épreuve d’Ultra Endurance (comme un Ultra-Trail) et il est nécessaire, voire fondamental, de ne pas diminuer ses capacités à s’adapter à l’effort.


Chaque rein compte environ un million de néphrons et chaque néphron est une mini-cafe- tière à piston : en fonction de la pression appliquée sur le piston, on fabrique une certaine quantité d’urine. Par contre lorsqu’il fait chaud et que l’on transpire, il faut garder l’eau et il faut donc diminuer la pression, pour diminuer la fabrication d’urine (et inversement lorsque l’on est en excès d’eau).


Les mécanismes d’adaptation du rein à un tel effort sont régulés par les prostaglandines**, et les médicaments cités auparavant en diminuent leur fabrication, qui elle-même stimule la réaction inflammatoire. La prise d’AINS diminue donc fortement les capacités d’adaptation du rein. Il est donc fortement déconseillé de prendre ce genre de produit, avant, pendant, mais aussi après l’épreuve afin de permettre aux reins de fonctionner correctement (l’Aspirine et les AINS ayant par ailleurs les mêmes effets secondaires).

La prise d’un anti-inflammatoire doit donc toujours être bien réfléchie et jamais dans un contexte d’automédication.


La consommation inquiétante d'AINS sur les épreuves d'ultra distance

Lors d’une étude réalisée lors du Grand Raid 2015, 20,10 % des participants ont déclaré prendre des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) durant la course et le plus souvent hors prescription médicale. En fait les AINS sont en vente libre et sont parfois associés à d’autres antalgiques dans la même préparation commerciale. Or, lors de la pratique de l’Ultra-Trail, la consommation d’AINS s’inscrit dans un contexte physiologique modifié (déshydratation, désordres hydroélectriques, redistribution volémique, adaptation cardiovasculaire, modification de la fonction respiratoire et du cycle nycthéméral) propre à faciliter la survenue des effets secondaires inhérents à ces molécules.

Les conséquences peuvent alors s’avérer catastrophiques : insuffisance rénale aiguë, hémorragie digestive, rhabdomyolyse, troubles hydroélectriques, autant de risques ignorés par notre population de sportifs dont une forte proportion appartient à des catégories socioprofessionnelles élevées et donc instruites.


L’hyponatrémie et la rhabdomyolyse, facteurs aggravant sur l'ultra distance L’hyponatrémie consécutive à une épreuve d’ultra distance, qualifiée d’hyponatrémie par dilution, est la conséquence d’une surhydratation « volontaire », en eau et/ou boissons hypotoniques, entraînant une surcharge de liquide dans le corps.

Et oui, l’effet inverse de la déshydratation peut exister !


Cette hyponatrémie est également favorisée par un dysfonctionnement rénal ainsi que par une rétention de liquide dans l’espace extracellulaire (liquide interstitiel, plasma). A l’origine du phénomène c’est surtout la peur de ne pas être suffisamment hydraté qui entraîne une surhydratation « volontaire ». Sur certaines portions de l'épreuve le faible niveau d’intensité d’exercice peut entraîner de moindre pertes liquidiennes par voies sudorale, urinaire et respiratoire, et donc peut générer de moindre besoins liquidiens.


Pourtant et dans le but d’être « bien hydraté » avant le début d’une compétition d’ultra, certains athlètes consomment dans les heures qui précèdent la compétition des quantités liquidiennes très importantes, voire impressionnantes. Par exemple une coureuse de marathon a rapporté avoir consommé 10 litres de liquide la nuit précédent la course !

Dans ces conditions, le risque de développer une hyponatrémie immédiate en début de compétition est élevée. L’adoption d’une alimentation pauvre en sel, en dehors et au cours des périodes d’entraînement, peut aussi conduire au développement d’un déficit en sodium à l’exercice lors de sudations excessives, et en particulier, en cas de non acclimatation à la chaleur. L’utilisation abusive d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peut également altérer la fonction rénale en diminuant l’excrétion urinaire, et donc participe au processus hyponatrémique.

Au cours de l'épreuve d'ultra, il est donc recommandé de consommer, par petites fractions régulières, entre 500 et 800 ml/h d’eau ou de boissons énergétiques et d’adapter l’apport en eau en fonction des conditions environnementales, de l’intensité de l’exercice et des dimensions corporelles. Et être attentifs aux premiers symptômes d’hyponatrémie qui sont : gonflement au niveau des mains, nausée, vertige et sentiment de confusion.

Dans ces cas-là, il importe de s’arrêter et de manger des aliments salés. Les courses d’ultra trail s’accompagnent bien souvent d’une atteinte musculaire bénigne avec petite destruction musculaire et d’un largage de myoglobine (composant de la cellule musculaire). C’est pourquoi vous avez des douleurs après la course et parfois des urines assez foncées. En général la récupération se fait assez rapidement.


Mais parfois il s’avère que cette destruction s’avère beaucoup plus importante et se transforme en rhabdomyolyse.

Mais que signifie ce mot barbare ?

En fait c’est une destruction musculaire aiguë des membres inférieurs sur une épreuve longue comme le Grand Raid provoqué par : - le travail excentrique des muscles (notamment les quadriceps en descente) ; - la durée de la course qui, bien sûr, est très longue ; - l’ ambiance chaude et humide, - la prise de certains médicaments dans la course (anti-inflammatoires par exemple)

Cette rhabdomyolyse entraîne la libération dans le sang de myoglobine ayant une action toxique sur le rein (d’autant plus affaibli par une éventuelle déshydratation). Ces problèmes peuvent survenir jusqu’à 24h après la course.

Ce qui se traduit par des sensations de muscles très tendus, très douloureux, voire des des oedèmes. Puis les urines deviennent rouges foncées. L’insuffisance rénale provoque alors une baisse importante de l’envie d’uriner.


Pour palier quelque peu et anticiper à la récupération, vous pouvez prendre régulièrement des boissons alcalines type « eau pétillante » pour limiter l’acidité des urines et faciliter le travail des reins, sans oublier de prendre un peu de sel.


Enfin, et surtout, il est souhaitable d’éviter l’auto-médicamentation en course par la prise d’aspirine ou d’anti-inflammatoires, comportements pourtant très fréquents sur une épreuve d'ultra trail notamment.


* Advil, Anadvil, Rhinadvil, Antarène, Brufen, Cliptol, Dolgit et Ergix, Expanfen, Gélufène, Hémagène, Ibutop, Intralgis, Nureflex et Nurofen, Solufen, Spedifen, Tiburon, Upfen, Vicks Rhume, Profénid, Kétum, Toprec, Feldène et Geldène, Inflaced, Zofora, Brexin







** Les protaglandines sont des substances dérivées des acides gras, ayant une structure biochimique commune appelée prostanoïde, naturellement produite par l’organisme et servant de médiateur dans un très grand nombre de phénomènes physiologiques et pathologiques. Ces prostaglandines (PG) furent découvertes au début du XXe siècle dans le liquide séminal. On pensait alors qu’elles étaient produites par la prostate (glande sexuelle masculine entourant les premiers centimètres de l’urètre), d’où leur nom. Elles sont en fait synthétisées dans presque tous les tissus ; elles sont très peu libérées dans la circulation sanguine et agissent localement comme médiateurs de l’activité cellulaire au cours de nombreux processus : tonus musculaire, contractilité utérine, circulation sanguine cérébrale, motilité du tube digestif, sécrétion gastrique, agrégation plaquettaire.


Références

N. Pardeta, B. Lemarchand, B.-A. Gaüzèrec, La prise de médicaments et de compléments alimentaires chez l’ultra-Trailer compétiteur durant la préparation du Grand Raid 2015 de l’île de La Réunion, , Science & Sports (2017)

Sandra Didier, Automédication chez les coureurs de trail et d’ultra-trail® : enquête lors de l’Infernal Trail des Vosges 2014, 13 et 14 septembre 2014


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