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Photo du rédacteurEric Lacroix

Reprise après coupure: comprendre la désadaptation pour mieux repartir

Dernière mise à jour : 31 mai 2020


Désadaptations de l'organisme après une coupure, et principes d'entraînement


C'est un peu comme si vous vous mettiez à table et que vous aviez très peu mangé durant plusieurs mois. L'idée de se nourrir trop pourrait aussi entraîner une indigestion, la gourmandise se payant "cache" à la suite du repas.


Le fait de réaliser des séances progressives et régulières pendant plusieurs semaines pour que le corps puisse s’adapter est donc une bien meilleure option. Les adaptations physiologiques pouvant ainsi améliorer les capacités et les performances, en induisant petit à petit des effets différés.


Si ce n'est pas la cas, vous pourriez vous orienter vers un véritable cercle vicieux de fatigue profonde, voir de surentrainement dans les mois à venir (ce que l’on appelle aussi surcharge non fonctionnelle).


Selon le professeur Laurent Bosquet (Université de Limoges), il est nécessaire de comprendre les effets du "désentraînement", ce qu'il nomme également des désadaptations de l'organisme au plan des qualités physiques.


Vers une diminution des facteurs de la performance

La performance en course à pied peut être définie simplement par l'addition des qualités suivantes :

Le V02MAX + l'endurance aérobie (%V02max) + l'efficience énergétique avec le % de force maximale et de puissance maximale


Il faut bien comprendre que les variables neuro-musculaires jouent un rôle très important dans le processus de désentraînement, car c'est aussi votre câblage - celui permettant d'alimenter les signaux terminaux.

Conséquences sur le VO2 max.

Le débit de consommation maximal d'O2 (V02 max.) va bien sûr être affecté en premier lors de l'arrêt de l'entraînement, car le débit cardiaque, le volume d’éjection systolique n'ont plus le même débit. Il se crée donc une différence artério-veineuse différente et donc une capacité du muscle à moins utiliser et à extraire de l'oxygène.



Conséquences sur le processus d'endurance

L'arrêt de l'entraînement à des conséquences sur l'utilisation des substrats et donc sur le processus d'endurance. En effet lorsque l'on s’entraine on consomme plus de lipides (QR). Avec le "désentrainement" les réserves de glycogène diminuent et la consommation de glucose augmente, donc c'est un vrai problème pour les muscles et la gestion des stocks (diminution de nos mithocondrie qui sont nos usines de l'effort musculaire et jusqu'à 28% au bout de 3 semaines selon Wibom et col.). Il se crée ainsi une diminution rapide des enzymes oxydatives musculaires et donc une possible montée des lactates plus rapides si on veut se tester trop rapidement, donc be careful !

En sachant que ce "désentrainement" se produit dès le 1er jour et surtout jusqu'au 7ème jour d'arrêt.


Conséquences sur les processus d'endurance de force

Ce processus est en fait la capacité du système à maintenir un % élevé de la force pendant une longue période ou un grand nombre de répétitions.

Aussi :

  • la force maximale diminue à partir de la 3ème semaine d'arrêt de l'entraînement.

  • pour la puissance maximale, c'est identique à la force et donc lors de la 3ème semaine, mais ce processus dure plus longtemps que la force max (car moindre amplitude)

  • enfin et sur l'endurance de force, les effets sont plus rapide pour ce qui concerne la désadaptation, se faisant au bout de 1 à 2 semaines.

Il est donc nécessaire de réaliser une charge d’entrainement minimale en renforcement musculaire afin d'éviter ces désadaptations (on parle d'1/3 du volume habituel minimum...).


Reprise d'entraînement, progressive, raisonnable

La reprise de l'entraînement, si la coupure a été assez longue, doit donc être raisonnée et raisonnable. On parle d'une quinzaine de jours de reprise en endurance afin d'éviter les montées élevées en lactates, et pour re-familiariser ses mitochondries. Pour parfaire à cette reprise, il existe des principes sur lesquels les entraineurs et les athlètes sont assez unanimes, et qui demeurent des fondamentaux d’entraînement.

Principe d’individualisation Nous sommes plus de 7 milliards d’individus sur la planète, tous uniques. Même les jumeaux homozygotes présentent des caractéristiques qui permettent de les différencier, car leurs empreintes digitales se ressemblent sans être parfaitement identiques, c’est dire.... On ne possède donc pas tous la même capacité d’adaptation à l’entrainement et surtout la même fragilité à courir. L’hérédité (qu’on appelle aussi « être doué ») joue ici un rôle majeur dans la vitesse et le degré d’adaptation du corps à votre programme d’entrainement. Vous devez ainsi avoir en tête tous les facteurs physiologiques et psychologiques susceptibles d’intervenir dans la sphère individuelle de la performance: les capacités génétiques, les variations d’ordre cellulaire et métabolique, les régulations nerveuses et endocriniennes (les hormones).

Tout programme d’entraînement doit idéalement prendre en compte les besoins spécifiques et les capacités pour lesquels il a été réalisé. Encore faut-il savoir identifier ces besoins au départ, ce qui demande une certaine observation et surtout de la patience, ce qui est malheureusement rarement le cas (on a envie de progresser très vite et on est pressé d’arriver en forme en quelques mois, voire quelques semaines pour une grand course).

Principe de spécificité Les adaptations à l’exercice et à l’entrainement sont spécifiques à l’activité, au volume et à l’intensité des exercices réalisés. Le programme d’entraînement doit donc solliciter les systèmes physiologiques essentiels et spécifiques à la réalisation de la performance de cette discipline. C’est pourquoi il est nécessaire d’identifier diverses facettes de l’entraînement dans la discipline comme par exemple : - de pouvoir s’adapter aux températures, aux climats, - de prendre en compte la notion jour/nuit, qui a des conséquences sur notre organisme (horloge biologique), - la configuration du terrain, des parcours.

Principe de réversibilité (évoqué plus haut sur le "désentraînement") Si vous vous arrêtez de vous entraîner complètement pendant plusieurs semaines, le niveau d’aptitude s’effondre et peut redevenir même celui d’un sujet sédentaire. En effet, lorsque vous stoppez l’entraînement les facteurs physiologiques en sont affectés. Aussi, un athlète dit « élite » peut perdre très rapidement ses qualités d’entraînement (au bout de 7 jours de repos complet) alors qu’un athlète plutôt débutant et qui s’entraîne beaucoup moins va lui perdre ses qualités plutôt au bout de 15 jours. Afin d’éviter ce processus de désadaptation, il est conseillé de maintenir environ 1/3 de la charge d’entraînement durant une coupure, sauf évidemment si vous êtes blessé (par exemple faire 1 footing si vous avez l’habitude de vous entrainer 2 à 3 fois pars semaine). Principe de progressivité Les coureurs sont souvent des êtres gourmands et impatients. C’est un constat par ailleurs assez inquiétant. En effet les calendriers de compétitions sont très étoffés et cela incite bien souvent les coureurs à s’aligner parfois toutes les semaines ou tous les 15 jours sur une course, plus ou moins longue. Il s’ensuit de nombreuses périodes de fatigue profonde, voire de blessure.

De ce fait le principe de progressivité doit nous éclairer sur le concept de « surcharge », qui doit être pensé et réfléchi dans la mise en place d’un planning d’entraînement. La charge d’entrainement annuelle doit évoluer raisonnablement et prendre en compte les compétitions plus ou moins longues du calendrier.


On avance souvent le chiffre de 15 à 20% maximum d’augmentation de la charge d’entraînement par an. L‘Homme est certes fait pour courir, cependant il n’est pas non plus complètement adapté à courir 2 à 3 ultras dans l’année. Il est donc primordial de planifier également une certaine progressivité sur le long terme.

Principe d’alternance Ce principe rejoint le précédent. Croyant bien faire certains athlètes s’entrainent avec acharnement, sans repos et souvent en haute intensité toute l’année, prenant exemple sur les athlètes Kenyans qui ont gravé dans leur tête cet adage immuable: « s’entraîner dur pour gagner facile ».


C’est le cas de nombreux coureurs, qui après avoir cumulé un gros entraînement pour un objectif, souhaitent enchaîner de nouveau une grosse charge d’entraînement pour préparer une autre échéance, aussi importante à leurs yeux. Au bilan, une année laborieuse et souvent en dents de scie.

Nous expliquons alors et de manière pédagogique que le repos est aussi et en quelques sorte un entrainement, ce que l’on nomme « l’entraînement invisible ». L’alternance peut être également réalisée de manière intelligente et réfléchie, comme par exemple, celle de réaliser une saison sur des formats courts, puis une saison avec un ou deux objectifs d’ultra. La course à pied est, et doit rester, un loisir, et bien souvent une passion. Pour que cela perdure il faut donc penser à maintenir la forme dans le temps et donc y prendre surtout du plaisir.

Principe de périodisation Tous les meilleurs athlètes le savent bien, ce qui caractérise une très bonne préparation mentale c’est avant tout une très bonne planification. Ce principe de périodisation nous amène donc à réfléchir aux notions de programmation et de planification, avec une répartition des charges (notamment en intensité-volume). L’objectif étant d’arriver à son meilleur niveau le « jour J ».

Au-delà de réfléchir à des principes périodiques comme les macrocycles, mésocycles, il est aussi nécessaire de s’appuyer sur les recherches actuelles de la planification, comme le travail par blocs ou plus récemment le modèle polarisé, ce que nous prenons en priorité dans la méthode R-R.


Références

Jacques Poortmans, Nathalie Boisseau, Biochimie des activités physiques et sportives, Editions De Boeck 2017.

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