
« L’homme contemporain ne s’épuise plus sous le joug d’un pouvoir oppressif, mais sous le poids de sa propre volonté de performance. » — Byung-Chul Han, La Société de la fatigue.
Par Éric LACROIX, le 22/02/2025
Il y a un siècle, courir n’était qu’un moyen de fuite ou de chasse. Aujourd’hui, c’est une quête, une épreuve, une scène où l’individu se joue et se transforme. Et, depuis quelques années, un étrange phénomène se produit : les courses sur route et les trails s’arrachent en quelques minutes, des dizaines de milliers de coureurs s’inscrivent frénétiquement dès l’ouverture des inscriptions, et les listes d’attente s’allongent.
Qu’est-ce qui pousse ces foules à vouloir accrocher un dossard, à inscrire leur nom dans une liste, à vouloir s’élancer avec d’autres sur une ligne de départ ?
Derrière cet engouement, il y a bien sûr le plaisir de la compétition, l’appel du dépassement, la satisfaction d’un effort accompli. Mais il y a plus. Quelque chose de plus profond, de plus intime. Un désir. Un désir massif, collectif, qui échappe parfois à ceux qui le ressentent. Alors, que cherchons-nous en courant ?
Courir pour être, courir pour devenir : une mise en mouvement du désir
Dans L’Anti-Œdipe, Gilles Deleuze et Félix Guattari déconstruisent la conception psychanalytique du désir comme manque. Au contraire, ils le définissent comme une force productrice, une énergie en mouvement qui engendre du réel (Deleuze & Guattari, 1972).
Courir illustre parfaitement cette dynamique : le coureur ne cherche pas simplement à combler une absence ou à atteindre une finalité préétablie, mais il engage son corps dans un processus d’intensification de l’expérience du monde.
Prenons l’exemple de Kilian Jornet, légende de l’ultra-trail, qui décrit la course comme une quête de sensations et de dépassement plutôt que comme une simple compétition (Courir ou mourir, 2011). Pour lui, l’acte de courir est un moyen d’habiter pleinement l’instant, de ressentir l’environnement dans son intensité brute, qu’il s’agisse du souffle court dans une montée alpine ou de la fatigue qui se transforme en extase après plusieurs heures d’effort.
L’engagement dans une course organisée (un marathon, un ultra-trail, un semi) change radicalement la dynamique du désir : il introduit une structure temporelle et un horizon mental. La course devient un projet, une construction identitaire. Ainsi Bourdieu (1980) explique que l'habitus, ce système de dispositions incorporées, façonne nos pratiques. Dans le cas du coureur, l'entraînement impose une discipline qui modifie son rapport au temps : il ne court plus uniquement pour ressentir l’instant, mais aussi pour se préparer, progresser, anticiper.
Un exemple frappant est celui du marathon de Paris, qui attire chaque année des milliers d’amateurs. Beaucoup de participants ne sont pas des athlètes professionnels, mais des individus ordinaires qui se projettent dans cette épreuve comme un rite de passage. L’objectif du marathon devient une finalité existentielle, un repère structurant qui donne un sens aux semaines d’effort et d’abnégation.
Le désir de courir s’est amplifié ces dernières décennies, parallèlement à l’individualisation croissante de nos sociétés (Lipovetsky, L’Ère du vide, 1983). Dans un monde où les repères collectifs traditionnels (religion, engagement politique, stabilité professionnelle) s’effritent, la course devient une réponse existentielle. Elle incarne une recherche d’accomplissement personnel, une manière de réinvestir le corps dans une société largement sédentarisée.
L’explosion du nombre de courses organisées et l’essor des applications de running (comme Strava ou Garmin Connect) montrent à quel point cette quête s’inscrit dans un cadre social et numérique. Courir, c’est non seulement être, mais aussi être vu, exister à travers la performance partagée, l’effort affiché, l’amélioration mesurée. On ne court plus seulement pour soi, mais pour s’inscrire dans un récit collectif où la progression devient une valeur en soi.
En définitive, courir est un acte à la fois intime et social, une mise en mouvement du désir qui structure l’existence et ouvre de nouvelles perspectives d’accomplissement. Loin d’être un simple exercice physique, la course devient un langage, une manière d’être au monde, un mode d’existence façonné par l’effort et le dépassement de soi.

Le grand récit du marathon pour tous : une nouvelle mythologie du sport
Yuval Noah Harari rappelle que l’humanité est guidée par des récits (Sapiens, 2011). Les sociétés se construisent autour de mythes fédérateurs qui donnent du sens aux actions individuelles et collectives. Longtemps, le sport a été réservé aux élites : dans la Grèce antique, seuls les citoyens libres pouvaient concourir aux Jeux Olympiques, incarnant l’idéal du corps athlétique comme reflet d’une excellence morale et politique (Vigarello, Le Corps redressé, 2004). Au XXe siècle, le sport est devenu un spectacle médiatisé, mettant en scène des figures héroïques, de Jesse Owens à Usain Bolt.
Puis est venu le temps du sport pour tous. La vague du jogging dans les années 1970, impulsée par des figures comme le cardiologue Kenneth Cooper (Aerobics, 1968), marque un tournant : il ne s'agit plus de performer, mais de bouger pour la santé. Le marathon, longtemps réservé à une élite sportive, se démocratise dans les années 2000 avec l’explosion des courses populaires. Aujourd’hui, nous assistons à une nouvelle mutation : le sport de masse devient un sport de participation, où chacun veut vivre sa propre épopée.
L’exemple du Marathon pour tous, organisé en marge des Jeux Olympiques de Paris 2024, illustre parfaitement cette tendance. Avec 400 000 candidatures pour 40 000 places, cet événement incarne un basculement : il ne s’agit plus seulement d’admirer les exploits des champions, mais d’entrer soi-même dans l’histoire. Ce phénomène rejoint la notion de "spectacteur" développée par Jacques Rancière (Le Spectateur émancipé, 2008) : le coureur amateur ne se contente plus de regarder le sport, il en devient l’acteur, il s’approprie le récit olympique pour y inscrire sa propre légende (1).
Un exemple marquant est aussi celui du Marathon de New York, où l’engouement dépasse largement le cadre de la performance. Chaque année, des dizaines de milliers de participants traversent la ville non pas pour battre un record, mais pour vivre une expérience unique, inscrivant leur foulée dans le tissu urbain et émotionnel de la cité. Le marathon devient une narration collective, un rite de passage où chacun peut dire : "J’y étais".
Nous vivons dans une époque où le travail se virtualise, où la productivité ne dépend plus de la force physique mais de la connexion aux réseaux numériques (Han, La Société de la fatigue, 2014). Nos interactions passent par des écrans, nos déplacements deviennent superflus. Cette immatérialité du quotidien pousse paradoxalement à un retour vers des expériences incarnées.
Courir s’inscrit dans cette logique : c’est une manière de réintégrer le corps dans une société qui le relègue de plus en plus à une posture sédentaire. Comme l’écrit Olivier Haralambon, ancien cycliste et philosophe :
« Quand le corps est relégué à une fonction d’interface pour nos écrans, il devient nécessaire de lui redonner de la puissance » (Le Coureur et son ombre, 2017).

Le succès du trail running, où l’on fuit les routes bitumées pour retrouver la rugosité du sol, va dans ce sens. On ne court plus seulement pour le chrono, mais pour renouer avec un rapport sensoriel au monde : sentir la terre sous ses pieds, respirer l’air vif, éprouver la fatigue musculaire comme une preuve tangible de son existence.
En définitive, le marathon pour tous est bien plus qu’une course : c’est un récit contemporain, un mythe revisité où l’individu s’inscrit dans une histoire collective. Il symbolise un besoin croissant de réincarnation du corps dans une époque qui tend à l’effacer, et donne à chacun l’opportunité de vivre une aventure qui dépasse la simple performance physique.
Peut-on voir dans cette quête une forme de rite initiatique moderne ? Comme les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle, les marathoniens amateurs ne courent pas seulement pour arriver, mais pour traverser une expérience qui les transforme. En ce sens, courir devient un langage universel, une manière de réaffirmer son être dans un monde en perpétuelle mutation.
Dopamine, storytelling et réseaux sociaux : l’accélération du désir
Si la course à pied était autrefois une ascèse, un retour à soi, elle est aujourd’hui un spectacle. L’engouement croissant pour les courses de masse s’explique non seulement par un besoin existentiel, mais aussi par des mécanismes neurologiques et médiatiques. Le circuit de la récompense joue un rôle clé : courir ne se limite plus à l’effort physique, c’est aussi une mécanique d’anticipation et de gratification alimentée par la dopamine et renforcée par le storytelling des réseaux sociaux.
L’inscription à une course génère un pic de dopamine, cette molécule du désir qui nous pousse à anticiper une récompense future. Contrairement aux endorphines, souvent associées à l’euphorie du coureur (runner’s high), la dopamine ne procure pas directement du plaisir : elle alimente l’envie, la projection, l’attente.
L’inscription à une course ne se limite pas à un simple engagement sportif : elle déclenche une cascade neurobiologique qui alimente notre désir et notre motivation. Au cœur de ce processus se trouve la dopamine, ce neurotransmetteur essentiel qui joue un rôle clé dans le circuit de la récompense. Contrairement aux idées reçues, la dopamine n’est pas tant la "molécule du plaisir" que celle de l’anticipation et du désir d’action.
Comme l’explique Wolfram Schultz, spécialiste des neurosciences motivationnelles :
« La dopamine ne répond pas seulement à la récompense elle-même, mais surtout à son anticipation. C’est cette attente qui alimente le désir et nous pousse à l’action. » (Predictive Reward Signal of Dopamine Neurons, 1998).

Ainsi, bien avant même de franchir la ligne de départ, le coureur est déjà pris dans un cycle de gratification : l’excitation de l’inscription, la planification de l’entraînement, le stress du décompte avant la course… Autant de micro-récompenses qui stimulent son engagement et renforcent son attachement à l’événement.
D’un point de vue neurobiologique, ce phénomène repose sur l’activation du striatum, une région du cerveau impliquée dans la motivation et l’action. En intégrant des signaux venant du cortex préfrontal (évaluation des objectifs, planification) et des structures limbiques comme l’amygdale et l’hippocampe (émotions, mémoire des expériences passées), le striatum orchestre nos comportements en fonction des attentes et des bénéfices perçus.
Ce qui nous pousse à courir ne réside donc pas uniquement dans le plaisir de l’effort physique, mais dans la dynamique d’attente et de projection. Plus l’objectif semble gratifiant – terminer un marathon, décrocher une médaille, partager sa performance sur les réseaux sociaux – plus la dopamine alimente notre motivation à persévérer.
Cependant, ce mécanisme peut aussi basculer dans une forme d’addiction comportementale, où la quête de nouveaux défis devient un moteur quasi obsessionnel. Comme le montre certaines recherches en neurosciences, un déséquilibre du circuit dopaminergique peut mener à une dépendance aux stimulations constantes, qu’elles soient sportives, numériques ou professionnelles (Berke, 2018 ; Berridge, 2018).
Ainsi, la course n’est plus seulement un effort physique, mais un récit intérieur alimenté par des dynamiques neurobiologiques profondes. Loin d’être anodine, cette quête de performance et de dépassement illustre notre rapport au désir, à l’attente et, en fin de compte, à notre propre définition du bonheur.
Ce phénomène est renforcé par la mise en scène qui entoure les courses. Andrew Huberman, neuroscientifique à Stanford, souligne que l’engagement dans un défi physique active les mêmes circuits dopaminergiques que d’autres formes de motivation :
« Ce n’est pas seulement l’atteinte d’un objectif qui nous procure du plaisir, mais tout le processus qui y mène : l’anticipation, la préparation, le compte à rebours. » (Huberman Lab Podcast, 2021).
Ajoutez à cela les réseaux sociaux : chaque médaille, chaque ligne d’arrivée est documentée, partagée, transformée en récit personnel. Ce n’est plus seulement la course qui compte, c’est l’image qu’on en projette.
Selon le neurobiologiste David J. Linden : « Notre cerveau est programmé pour rechercher du plaisir dans les expériences intenses, mais aussi dans leur partage et leur validation sociale. » (The Compass of Pleasure, 2011). Ce phénomène est renforcé par l’attente et la rareté. L’exemple du Marathon de Londres, où le nombre de places est limité et attribué par tirage au sort, illustre bien ce désir amplifié par la frustration : ne pas être sélectionné renforce l’envie d’y participer. De même, des courses comme l’UTMB (Ultra-Trail du Mont-Blanc) fonctionnent sur un système de points de qualification et de loterie, créant une attente qui devient partie intégrante de l’expérience.
À cette mécanique biologique s’ajoute une dynamique médiatique. Chaque médaille, chaque ligne d’arrivée est documentée, partagée, transformée en récit personnel sur Instagram, Strava ou TikTok. Ce n’est plus seulement la course qui compte, c’est l’image qu’on en projette comme l’explique fort bien Francis Wolff :
« L’homme moderne ne cherche pas seulement à vivre, il cherche à faire trace, à inscrire son existence dans un flux collectif. »
Le race-day devient ainsi une mise en scène : on filme son dossard la veille, on partage ses émotions avant le départ, on poste une photo de l’arrivée avec la médaille autour du cou. L’application Strava, qui permet d’analyser et de partager ses performances, joue un rôle central dans cette transformation de la course en récit.
Ce phénomène rejoint l’idée de "capitalisme émotionnel" développée par Eva Illouz (Les Sentiments du capitalisme, 2006), où les expériences personnelles deviennent des produits médiatisables et consommables.
Un exemple frappant est le succès des course-vlogs sur YouTube, où des coureurs amateurs documentent leur préparation et leur performance. Ces vidéos ne sont pas seulement des récits sportifs, elles participent d’un processus de motivation collective : en partageant son expérience, on inspire les autres et on renforce sa propre identité de coureur.
La question sous-jacente à ce phénomène est celle de l’authenticité du désir : court-on encore pour soi, ou pour l’image que l’on projette ? Cette accélération du désir, alimentée par les mécanismes de gratification instantanée des réseaux sociaux, peut créer une forme d’injonction à la performance.
Pour Byung-Chul Han (1) : « L’individu contemporain est pris dans une logique de surperformance, où le loisir lui-même devient une forme d’optimisation de soi. »
En ce sens, la course à pied n’est plus seulement un sport, mais un marqueur identitaire, un outil de distinction sociale où le récit de la performance importe autant que la performance elle-même. Cela pose la question du rapport au temps : sommes-nous encore capables de courir pour le simple plaisir, ou sommes-nous pris dans une logique où chaque foulée doit être mesurable, partageable, validée par un "like" ?
Le succès des courses sans chrono, comme la Color Run, où l’enjeu n’est pas la performance mais l’expérience sensorielle et visuelle, montre cependant qu’il existe aussi une résistance à cette hyper-compétition. Peut-être que le véritable défi du coureur contemporain n’est pas d’aller plus vite, mais de redécouvrir le plaisir brut du mouvement, loin des chiffres et des écrans.

Une frénésie qui interroge : jusqu’où courir ?
L’explosion des inscriptions aux courses de masse pose une question fondamentale : court-on toujours pour le plaisir, ou est-on pris dans une dynamique où la performance et le dépassement de soi deviennent des injonctions ? Si l’imaginaire du « tout est possible » est un puissant moteur, le corps, lui, a ses limites. Or, ces limites sont de plus en plus repoussées, parfois au détriment de la préparation physique et de la santé des coureurs.
L’engouement pour les marathons et les trails longs pousse certains à s’inscrire sans réelle préparation, séduits par l’idée qu’il suffit de vouloir pour pouvoir. Ce phénomène s’inscrit dans un discours sociétal plus large, où la performance devient un idéal absolu.
Selon Pascal Chabot, philosophe du corps et de la performance :
« Nous vivons dans une société où la limite est perçue comme un échec. Il faut toujours aller plus loin, toujours se dépasser. Mais jusqu’où ? »
Cette glorification de l’extrême se retrouve dans la popularité croissante des ultramarathons, comme la Diagonale des Fous ou le Marathon des Sables, où l’effort est poussé à l’extrême. Certains participants s’y lancent avec une préparation insuffisante, parfois au prix de blessures graves, voire de conséquences physiologiques durables.
L’abandon du certificat médical pour s’inscrire à des courses officielles, remplacé par un simple questionnaire de santé, a facilité l’accès aux compétitions, mais a aussi ouvert la porte à des engagements excessifs.
Cette simplification administrative, pensée pour démocratiser la course, interroge : facilite-t-elle vraiment la pratique, ou met-elle en danger des coureurs sous-estimant les exigences physiques d’une épreuve longue distance ? Et si cette frénésie de course cachait autre chose qu’un simple besoin de dépassement ?
Loin d’être uniquement une quête de performance, la multiplication des engagements dans des courses extrêmes pourrait aussi être une forme de fuite. Une fuite devant le temps qui passe, devant la peur du vieillissement, ou encore devant l’ennui du quotidien.
Dans La Société de l’accélération (2010), Hartmut Rosa analyse comment le rythme effréné de notre société pousse les individus à une quête constante d’intensité.
Il explique : « Dans une société où le temps s’accélère, l’inaction devient insupportable. Il faut toujours remplir l’espace, multiplier les expériences, comme pour lutter contre l’angoisse du vide. »
Courir devient alors une manière de conjurer l’anxiété moderne, un antidote à l’immobilité forcée du monde numérique. Dans une époque où le travail s’effectue derrière des écrans, où les interactions se virtualisent, où l’effort physique est de moins en moins nécessaire au quotidien, la course prend des allures de rituel : un retour au corps, un ancrage dans le réel.
Si l’on assiste à une surenchère de défis toujours plus longs et exigeants, une autre tendance émerge en parallèle : celle du slow running, ou la course pour le simple plaisir, sans objectif chronométrique ni quête de performance absolue. Ce courant, porté par des auteurs comme Scott Douglas (Running Is My Therapy, 2018), remet en question l’obsession de la performance et replace la course comme un espace de bien-être et de reconnexion à soi.
Peut-être qu’au lieu de chercher à toujours courir plus vite et plus loin, le véritable défi est d’apprendre à courir autrement : non plus pour fuir, mais pour être pleinement présent.

Courir pour être libre ?
Courir, c’est être en mouvement, expérimenter le monde, habiter son corps autrement. L’explosion des inscriptions aux courses témoigne d’un besoin profond de se reconnecter à une expérience tangible et de s’inscrire dans un récit collectif. Dans un monde de plus en plus virtuel et sédentaire, la course apparaît comme un acte de réappropriation du réel.
Mais cette liberté est-elle réelle ? Courons-nous pour nous affranchir ou pour nous conformer à de nouvelles normes de performance et de mise en scène ? La frontière entre quête authentique et dépassement dicté par le regard des autres est parfois mince.
Alors, la prochaine fois que vous enfilerez vos chaussures de running, posez-vous cette question : courez-vous pour être libre, ou pour répondre à une injonction ? Courir pour soi ou courir pour exister aux yeux des autres ?
(1) Dans cet ouvrage, Rancière remet en question l’opposition traditionnelle entre spectateur et acteur, affirmant que le spectateur n’est pas passif, mais qu’il participe activement à l’interprétation et à la construction du sens. Il critique l’idée selon laquelle il faudrait "éveiller" un spectateur supposé passif et plaide pour une redéfinition de la relation entre art, politique et émancipation intellectuelle.
(2) Byung-Chul Han, La Société de la fatigue, Éditions Circé, 2017. Han analyse comment l’injonction à la performance et l’auto-exploitation dans nos sociétés modernes conduisent à une fatigue chronique, un épuisement psychologique et une perte de la capacité d’attention.
Références bibliographiques
Baudrillard, J. (1976). L’échange symbolique et la mort. Gallimard.
Bourdieu, P. (1980). Le Sens pratique. Éditions de Minuit.
Chabot, P. (2016). Global burn-out. PUF.
Deleuze, G., & Guattari, F. (1972). L’Anti-Œdipe : capitalisme et schizophrénie. Éditions de Minuit.
Douglas, S. (2018). Running Is My Therapy. HarperOne.
Ehrenberg, A. (1991). Le culte de la performance. Calmann-Lévy.
Han, B.-C. (2014). La Société de la fatigue. PUF.
Haralambon, O. (2017). Le Coureur et son ombre. Premier Parallèle.
Haralambon, O. (2022). À chacun son rythme : Le sport entre effort et confort. Premier Parallèle.
Harari, Y. N. (2015). Sapiens : Une brève histoire de l’humanité. Albin Michel.
Illouz, E. (2006). Les Sentiments du capitalisme. Seuil.
Jornet, K. (2011). Courir ou mourir. Arthaud.
Le Breton, D. (2000). Passions du risque. Métailié.
Lipovetsky, G. (1983). L’Ère du vide. Gallimard.
Rancière, J. (2008). Le Spectateur émancipé. La Fabrique.
Rosa, H. (2010). Accélération. Une critique sociale du temps. La Découverte.
Sloterdijk, P. (2013). Tu dois changer ta vie. Libella.
Vigarello, G. (2004). Le Corps redressé. Gallimard.
Wolff, F. (2020). Il n’y a pas d’amour parfait : Essai sur la philosophie du sport. Fayard.
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